Dans le cadre du programme sur le frelon asiatique que nous avons élaboré cette année, un large article est paru dans la revue « YO’YO, le journal infos culture, loisirs, écologie des PARENTS » n° 68 que voici.
Mieux connaître le frelon asiatique
En 2004, le frelon asiatique est signalé pour la première fois sur le territoire français dans le Lot et Garonne. Aujourd’hui, il est présent sur l’ensemble de l’hexagone, mais aussi sur la quasi-totalité des pays frontaliers, au Portugal et même en Grande Bretagne. Considéré comme nuisible, plusieurs textes législatifs et réglementaires ont été adoptés à son sujet, tant au niveau européen que national, afin de limiter sa prolifération et favoriser la lutte. A la fois problème sanitaire et environnemental, il fait l’objet d’une surveillance attentive et de réglementations particulières, notamment dans le domaine agricole du fait de sa prédation sur les ruchers et des conséquences sur la pollinisation. Pour autant, les plans d’action sont très inégaux d’un département à l’autre pour un intrus qui ne connaît pas de frontières. En raison de son impact sur l’apiculture, une mobilisation tente de s’organiser. Mais l’urgence à apporter des parades charrie son lot de mauvaises solutions que le grand public s’approprie et diffuse via les réseaux sociaux. La méconnaissance du sujet et l’hystérisation saisonnière apporte finalement bien trop souvent son lot de comportements délétères.
Qui est donc ce frelon asiatique ?
Assimilé à la famille des guêpes, le frelon fait partie de l’ordre des hyménoptères qui regroupe aussi abeilles, bourdons et fourmis. Parmi les milliers d’espèces de guêpes, très peu d’entre elles sont sociales, organisées en colonie comme les frelons.
Celui qui est probablement arrivé accidentellement en Aquitaine dans des poteries chinoises, est une des 12 espèces de frelon asiatique. Le Vespa Velutina Nigrithorax ou encore frelon à pattes jaunes est plus petit que notre frelon d’Europe. Comme son nom l’indique, à dominante noire avec les extrémités des pattes jaunes, il se démarque aussi du Vespa Crabro (le frelon européen) par son vol stationnaire et le fait qu’il s’active seulement en journée. Imaginé volontiers plus gros, on se prête trop facilement à croire aussi que cet envahisseur venu de l’étranger soit forcément plus féroce. Il n’est pourtant pas plus agressif que la plupart des autres insectes et son venin pas plus toxique. Comme la plupart des hyménoptères sociaux en devoir de protéger une colonie, il peut développer une agressivité défensive dès lors qu’il repère une intrusion dans un périmètre de 5 mètres de son nid ou se trouve dérangé part une activité extérieure, des vibrations.
Le réel problème vient du fait que les nids souvent très populeux (au-delà de 2000 individus) sont souvent peu repérables dans le feuillage des arbres. Contrairement aux abeilles, ce prédateur peut piquer à plusieurs reprises avec un dard rétractable qui a pour but de tuer ou neutraliser ses proies. Un nid étant constitué essentiellement de femelles, seules capables de piquer, il y a donc là un réel potentiel de dangerosité qui dans la réalité ne s’exprime pas plus que chez d’autres espèces.
Un territoire accueillant
Le climat y étant plutôt favorable, le frelon asiatique a trouvé dans le Sud de l’Europe un territoire d’expansion idéal. Plus rustique que le frelon d’Europe, il apparaît plus tôt dans la saison et reste présent jusqu’en Décembre. Annuelle, la colonie disparaît dans l’Hiver. En Mars, chaque fondatrice réalise un nid primaire dans un bâti, une ruche, un tronc d’arbre. Elle y pond et élève ses larves qui constitueront l’avant-garde de ses ouvrières. Adultes et suffisamment nombreuses, elles assument alors les besoins de la colonie tandis que la reine est assignée à résidence pour pondre.
Dans l’Été, les ouvrières vont le plus souvent réaliser un nid secondaire dans un arbre feuillu, à une dizaine de mètres de hauteur ou déménagera la colonie. Ce sont ces nids ovoïdes remarquables, constitués d’une cellulose issue de fibres de bois, plus repérables en Automne lorsque les feuilles tombent. Dès lors, plus besoin de s’inquiéter de leur proximité, car après une période d’intense activité la colonie est en déclin et va mourir. Avant cela, un certain nombre de mâles et de futures reines auront été élevés pour que les premiers fécondent les secondes qui seront les seules à survivre. Finalement peu d’entre elles résisteront à l’hiver, aux prédations et aux luttes de territoire afin de renouveler le cycle l’année d’après
La faim justifie les moyens
Si le frelon adulte se nourrit de liquide sucré, de nectar, de miellat, il doit approvisionner les larves en protéines (autres insectes, araignées, viande prélevée sur des cadavres, des étals de poissonnerie,..).
Les ruchers constituent un lieu d’approvisionnement idéal, riches en protéines et en sucre. Le vol stationnaire du frelon asiatique favorisant cette prédation, les apiculteurs ont adapté leurs ruches en ne permettant plus l’intrusion du frelon à l’intérieur. Toutefois, cette présence continue de prédateurs attendant les abeilles de retour de leur récolte, stresse les ruches qui ne peuvent plus être approvisionnées et produire suffisamment de miel pour préparer l’hiver.
La prédation a sans doute un impact sur le reste de la biodiversité, mais plus difficile à évaluer.
Le piégeage
Par contre, le piégeage mal expliqué et mal appliqué impacte plus certainement les autres espèces. Le modèle qui fleurit sur internet et que s’approprie avec plus ou moins avec rigueur Monsieur Tout le Monde, est un récipient jouant sur la largueur des trous d’accès et de sortie et contenant divers cocktails le plus souvent à base d’alcool et de sucre. Les avis sont partagés sur leur efficacité et leur sélectivité. Si un piégeage des ouvrières aux abords des ruches se conçoit aisément en pleine saison (pas forcément avec ce type de piège), celui des fondatrices au début de l’Hiver et à le fin de l’Automne ne serait il pas contre productif ? Les avis divergent. Là ou certains considèrent qu’autant de fondatrices piégées, c’est autant de nids en moins, d’autres envisagent que c’est là l’occasion d’offrir à celles qui échappent au piège, d’assurer avec plus de force et sans lutte fratricide sa dominance sur un territoire. Par ailleurs, les pièges à base d’éléments carnés (viande, crevettes, poisson,..) ne cibleraient il pas mieux les frelons (et certes d’autres guêpes !), plutôt que la majorité des insectes en quête de substances sucrées? Si l’alcool rebute bourdons et abeilles, il n’en est pas moins volatile contrairement au sucre et donc cette mixture mérite au moins d’être renouvelée très fréquemment pour garder un semblant d’intention sélective.
La fin justifie les moyens
L’éradication pure et simple du nid est encore la manière la plus certaine d’enrayer la prolifération, encore faut il qu’elle soit faite dans des conditions absolues de sécurité et sans impact pour le reste de l’environnement. Autant oublier tout de suite le spray foudroyant pseudo professionnel qui prolifère dans les rayons des grands magasins, car avec un minimum de 2000 individus dans un nid, le risque est grand. Coté professionnels, le pire et le sérieux se côtoient. La méthode la plus abordable avec un impact ciblé reste la perche télescopique injectant un produit insecticide. Bien évidemment, un professionnel titulaire du Certibiocide et du Certiphyto, qui plus est référencé auprès d’organismes comme FREDON, garantit l’utilisation de produits naturels, biologiques et le retrait et la destruction du nid pour ne pas contaminer d’autres espèces comme les oiseaux par exemple.Le recours à ces intervenants agréés est indispensable en cas éventuel d’une prise en charge de cette dépense (60 à 170 euros selon l’accessibilité du nid) par les services publics. Le propriétaire du terrain est responsable d’intervenir ou pas, mais il est préférable de se tourner préalablement vers sa mairie pour connaître toutes les options possibles. A défaut d’être aidé, cela permettra au moins d’enrichir la cartographie de cette invasion.
Une présence durable
Signe des temps, l’invasion du frelon asiatique rejoint celles de bien d’autres espèces faunistiques ou botaniques. Dérèglement climatique, intensification des échanges commerciaux, déséquilibre de la biodiversité, bouleversent l’environnement naturel, autant de causes à cela, mais toujours trop anthropocentrè, nous commençons à prendre la mesure d’un problème seulement lorsqu’il réveille dans l’urgence des peurs ou perturbe nos activités. Le frelon asiatique va s’installer durablement en Europe et le caractère invasif se stabilisera au fil du temps sans doute au détriment d’autres espèces qui n’auront su s’adapter à sa présence. Il trouvera sur sa route ses prédateurs, des parasites, des maladies qui réguleront une présence à laquelle nous devrons nous habituer. Autant mieux le connaître !