Dent de lion, florin d’or, coq, laitue de chien, groin de porc, cochet, fausse chicorée, couronne de moine, baraban, cramia et salade de taupe…etc. Voilà qui en dit déjà long sur cette plante si commune de nos près et nos jardins.
« On mange les pissenlits par la racine » quand tout est fini, mort et enterré profondément dans la terre ; en effet, la forte racine en pivot du pissenlit peut facilement atteindre 30 cm de profondeur ou plus.

Mais revenons au début : le pissenlit est une plante vivace de 5-40 cm dont on compte beaucoup d’espèces à travers le monde. Comme la pâquerette, le pissenlit (Taraxacum officinale) appartient à la grande famille des Asteracées (composées).

Ses noms vernaculaires font soit référence à la structure très découpée de ses feuilles regroupées en rosette, en forme de « dents de lion » ou en « dents de scie », soit à sa propriété diurétique (un « Pissenlit » désignait vulgairement un enfant souffrant d’énurésie) …

Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d’Anne de Bretagne. Tours 1503-1508
Au-dessus des feuilles s’élance la tige, un pédoncule, creux et fragile. Quand on le coupe ou qu’on le brise, il s’en écoule un latex non irritant pour l’homme, quoique l’escargot ne semble guère l’apprécier. Il supporte sa jolie fleur jaune, bien connue. En réalité, il ne s’agit pas d’une fleur unique mais d’une inflorescence composée de centaines de fleurs toutes regroupées en un seul gros capitule. Le pissenlit fleurit de mars à octobre et n’est guère exigeant quant à la qualité du substrat sur lequel il pousse.

Geneviève Regnault, La botanique mise à la portée de tout le monde,
ou Collection des plantes d’usage dans la médecine, dans les alimens et dans les arts, 1774
Une fois la fleur fanée, les fruits, nommés akènes forment une grosse sphère d’aigrettes blanchâtres lui valant le nom vernaculaire de Couronne de moine. Ces fruits nombreux et très légers grâce à leurs fines soies sont facilement emportés par le vent.

Albert de Neuville, Épigrammes à la japonaise. Paris : 1921
Toute la plante est comestible en salade et peut donc être cultivée, présentant comme atout sa rusticité et sa grande résistance. Connu depuis fort longtemps comme plante officinale, le pissenlit est une plante des jardins de simples et il est souvent cité pour ses différentes vertus curatives.

Manfredus de Monte Imperiali, Liber de herbis et plantis, 1re moitié du 14e siècle
Ses propriétés diurétiques et hépatiques l’ont fait préconiser par certains médecins pour guérir le choléra. Plus près de nous, un article du magazine Marie-Claire le décrit comme une plante tonique :

Marie-Claire. Dir. Jean Prouvost. Lyon :14 janvier 1938
La banalité du pissenlit et peut-être aussi sa robustesse (hantise des jardiniers), en fait une plante mal-aimée. Pourtant, elle inspire les artistes, les poètes et fabulistes. Peut-être ont-ils gardé un peu de leur âme d’enfant lorsqu’ils s’amusaient jadis à souffler sur les petites boules blanches afin de faire s’envoler les petites graines à tous les vents !

Ernest d’Hervilly, Les heures enfantines, 1888
De plus, son aspect très graphique, sa fleur jaune comme un soleil, ses feuilles joliment dentelées ou ses fines graines surmontées d’un ravissant parachute enchantent artistes, décorateurs ou artisans.

Maurice Pillard Verneuil, Étude de la plante, 1903
Pierre Larousse et les fondateurs des éditions éponymes avaient pour souhait de disséminer le savoir et d’offrir au plus grand nombre des ouvrages encyclopédiques accessibles. On comprend aisément leur choix symbolique du pissenlit comme logotype. La première version, composée par Émile- Auguste Reiber en 1876 représente la plante en fruit, rond comme un globe terrestre accompagné de la devise « Je sème à tout vent ». Il évolue quand, en 1890, le peintre Eugène Grasset représente une jeune femme, cheveux au vent, soufflant sur le pappus, disséminant les graines de pissenlit tout autour d’elle, la devise restant inchangée. Cette semeuse, comme on l’appelle familièrement, demeure aujourd’hui encore l’emblème des éditions Larousse.

Claude Augé, Le Larousse pour tous : nouveau dictionnaire encyclopédique. Tome 1, 1907-1910
Ainsi, cette modeste fleur des champs symbolise-t-elle non seulement la vie champêtre mais aussi, comme l’ont compris les poètes ou les encyclopédistes, le savoir et la liberté.
Références et documentation : gallica.bnf.fr